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Des DRH ouvrent le chantier du mal-être au travail

Enquête


LE MONDE ECONOMIE | 15.12.08 | 11h50  •  Mis à jour le 15.12.08 | 11h50

L'ensemble des confédérations syndicales ont signé, le 24 novembre, l'accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail. Grâce à ce texte (la transcription d'un accord européen de 2004), "c'est la première fois que le patronat reconnaît que le stress peut être généré par l'entreprise", notamment par la surcharge de travail ou par des objectifs disproportionnés, se félicite Laurence Théry, membre de la CFDT et administratrice de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail. L'ANI indique aussi que le stress peut avoir une "origine extérieure au milieu de travail", formule à laquelle tenait le patronat. Cependant, l'accord ne prévoit aucune obligation d'être décliné dans des accords de branche ou d'entreprise. "Toutefois, il rappelle que l'employeur a des obligations, ce qui signifie qu'en cas de suicide, de souffrance au travail, sa responsabilité pénale sera recherchée", prévient Françoise Pelletier, avocate associée du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés, qui défend les entreprises.

Malgré ses faiblesses, l'ANI va-t-il inciter les employeurs à agir ? Certains perçoivent un frémissement. Ainsi, le 4 décembre, l'Union des industries chimiques (UIC) Rhône-Alpes a réuni une cinquantaine d'employeurs autour du thème "Mal-être et mieux-être au travail", afin d'"expliquer le phénomène du stress et de partager des expériences pour donner envie aux entreprises de regarder la situation en face et d'agir", explique Jean-Jacques Gillot, délégué général de l'UIC Rhône-Alpes. Pour certains participants, "l'ANI a provoqué un déclic", assure M. Gillot, qui va organiser prochainement une formation/sensibilisation. "Est-ce que l'accord a favorisé une prise de conscience des employeurs ou bien l'a-t-il suivie ?, se demande Bernard Salengro, médecin du travail, chargé des questions de santé au travail à la CGC. En tout cas, je constate que, selon notre dernier baromètre du stress (rendu public mi-novembre), 20 % des cadres ont répondu que leur entreprise prend en compte le stress, un score jamais atteint", même s'il reste peu élevé.

Certaines entreprises n'ont pas attendu l'ANI pour bouger. Laurent Besse, responsable du développement des ressources humaines chez Bayer CropScience, a, lors de la réunion de l'UIC, apporté son témoignage sur la démarche mise en place dans son entreprise depuis plus de dix ans. Le plan vise à la fois les personnes (avec des formations sur la prévention et la gestion du "stress individuel" et du "stress relationnel") et le collectif, avec l'inscription, depuis 2002, du "niveau de stress" dans le document unique (DU) obligatoire d'évaluation des risques professionnels. "Inscrire le stress dans le DU permet, explique M. Besse, de déceler les problèmes" dans les services et d'intervenir si besoin, comme cela s'est produit en 2008 lorsqu'une surcharge de travail a été révélée dans un secteur.

Mais rares sont les DU dans lesquels figure le stress. "Nous le réclamons dans les banques mais on nous oppose un refus, sauf dans l'une", déplore Anne Pechtner, chargée des conditions de travail à la fédération CFDT des banques et salariée de la Société générale. Dans cette entreprise, qui a connu plusieurs suicides ces dernières années, le stress n'est pas inscrit dans le DU, "car rien ne permet de dire aujourd'hui qu'il est exclusivement lié au travail", indique la direction. Une démarche a cependant été lancée il y a un an, avec la création d'un observatoire du stress, réalisé avec un cabinet externe et la médecine du travail "qui pourra adopter au plan individuel des mesures d'accompagnement si nécessaire", indique la banque. Une formation sera organisée à partir de janvier 2009 et une concertation avec les organisations syndicales a débuté au printemps 2008, "sans l'objectif d'aboutir à un accord", précise la direction. Les différents comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ne sont pas impliqués dans ce plan, contrairement à ce que préconise l'ANI. "Ce que nous reprochons à cette démarche, c'est d'être centrée sur l'individu, qu'elle ne porte pas de réflexion sur le travail, son contenu, son organisation et qu'elle exclut les CHSCT", regrette Mme Pechtner, pour la CFDT.

Si un certain nombre de CHSCT s'intéressent au stress depuis des années, les syndicats ont parfois considéré que ce sujet ne constituait pas un problème majeur. Aujourd'hui, certains réclament la conclusion d'accords. Mais la plupart des entreprises sont réticentes. "Elles sont dans le déni et renvoient le stress à des problématiques privées", constate Christine Guinand, coanimatrice du collectif santé au travail de la fédération CGT des cadres et techniciens (UGICT-CGT). Pourtant, écrivent Mme Pelletier et Isabelle Sauvegrain, médecin du travail et formatrice auprès d'employeurs, dans La Semaine juridique du 30 septembre, "les employeurs n'ont d'autre choix que d'engager rapidement une négociation, au risque de voir augmenter leur charge de responsabilité pour ne pas avoir mis en place les mesures de prévention nécessaire".

Francine Aizicovici


15/12/2008
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