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Le psy n'est pas une solution miracle


[ 22/01/08  Les Echos   ]

5 octobre 2007 : La Redoute dévoile son projet d'externaliser cinq de ses neuf centres d'appels. Les 185 salariés concernés continueront à travailler pour l'enseigne de vente à distance (VAD), mais en tant que sous-traitants, pour le compte de Téléperformance, leur nouvel employeur. Réaction immédiate : les débrayages se multiplient. Pour faire passer la pilule, la direction de La Redoute accède à la demande du CHSCT de mettre en place une cellule d'accompagnement psychologique. « Ce n'est pas la panacée, soupire un représentant de l'intersyndicale. Mais c'est toujours mieux que rien. »

Les exemples de ce type abondent : comme si les entreprises avaient le sentiment de rendre leur cuisine managériale un peu plus digeste en lui ajoutant une pincée de psy. « Un traitement individuel ne remplacera jamais une prise en charge collective, prévient pourtant Benjamin Stahler, responsable du groupe de travail sur les risques psychosociaux du réseau Anact (Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail). Envoyer un psychologue pour réparer les dégâts qu'on a commis : c'est un aveu d'incompétence managériale. »

Ne pas servir d'alibi

Médecin du travail et membre de la CFE-CGC, Bernard Salengro va encore plus loin : « C'est un peu trop facile d'allumer le feu puis de se donner bonne conscience en appelant les pompiers », tempête-t-il. Avant d'ajouter : « Je dois tout de même reconnaître que c'est un calcul économiquement rationnel. Tant que le stress et la souffrance au travail ne seront pas considérés comme des maladies professionnelles dont le coût doit être pris en charge par les entreprises, et non la collectivité, je ne vois pas pourquoi elles changeraient de stratégie. »

En attendant, les psychologues commencent à se sentir mal à l'aise : « On nous convoque quand l'organisation du travail ou le management suscitent de la souffrance », constate Patrick Charrier, docteur en psychologie et directeur opérationnel de Psya, cabinet spécialisé dans la prévention et la gestion des risques psychosociaux. « En externalisant cette problématique, les entreprises ont tendance à se déresponsabiliser, y compris de façon juridique. » Une situation de plus en plus intenable pour des professionnels de la santé mentale qui ne veulent pas servir d'alibi... mais n'ont pas toujours les moyens de refuser des missions qu'ils jugent suspectes. « Il est pourtant de notre responsabilité de dire non à des entreprises quand on a le sentiment qu'elles nous utilisent pour se dédouaner », poursuit Patrick Charrier.

« Une réponse dérisoire »

Benjamin Stahler refuse de stigmatiser les entreprises : « Jusqu'à présent, elles n'ont géré que le volet «emploi» des restructurations. Elles n'ont pas encore pris la mesure du coût humain, social et financier des risques psychosociaux. Mais j'ai le sentiment que les DRH et les CHSCT ont envie de s'emparer de cette question pour développer une véritable logique de prévention. » Le groupe de travail de l'Anact a ainsi identifié quatre types de tensions subies par les salariés : les tensions liées au travail lui-même (objectifs trop élevés, horaires décalés, compétences inadaptées...) ; les exigences du salarié, qui a besoin de reconnaissance et de donner du sens à son travail (un décalage trop flagrant entre ses valeurs personnelles et sa pratique professionnelle génère de la souffrance) ; les tensions liées aux relations au travail (mise en concurrence des salariés, harcèlement, exclusion...) ; et enfin, l'accélération du changement (les compétences et les expertises acquises étant constamment remises en question, avant même que le salarié ait eu le temps de se sentir à l'aise dans ses nouvelles missions). « Cette typologie montre bien à quel point la mise en place d'une ligne d'écoute psy est une réponse dérisoire à des questions de fond, sourit Benjamin Stahler. Le stress et la souffrance au travail sont avant tout liés à des problèmes de management et d'organisation. » Le psychologue Patrick Charrier en est conscient. Il revendique tout de même sa part dans la mise en lumière des problèmes : « Quand dix, vingt ou trente personnes d'un même service appellent la ligne d'écoute psy, on peut alerter la direction. Cela veut dire que l'ensemble de l'équipe est en souffrance. »

SABINE GERMAIN

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27/05/2008
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